Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Madame. — Je vous dis qu’il est blond.

Monsieur, cédant. — Soit ! je le veux bien.

Madame. — Oh ! Je ne tiens pas à vos concessions ironiques… Il est si facile de jouer la résignation quand on ne veut pas confesser qu’on a tort.

Monsieur, patient. — Eh bien ! oui, j’ai tort.

Madame. — Vous avez l’air de l’avouer du bout des dents ; tout autre, moins entêté que vous, viendrait dire : « Ma petite femme, je te demande bien pardon d’avoir soutenu que Paulin Ménier est brun… »

Monsieur, perdant patience. — Oui, oui, oui ; mais, ma chère amie, restons-en là, je t’en supplie. Tu veux que Paulin Ménier soit blond ? Alors, il est blond. Si tu le désires, il sera vert.

Madame, rageuse. — Vert !… Ah ! dites donc, vous savez que vous ne parlez pas à une folle… Puisque vous le prenez sur ce ton-là, je vous soutiens en face qu’il est blond.

Monsieur, un peu agacé. — Oui, oui, il est même albinos. Es-tu contente ?

Madame. — Votre albinos prouve bien que vous ne l’avez jamais vu, sans cela vous auriez reconnu qu’il est positivement blond.

Monsieur. — Mais, sacrebleu ! je t’ai vingt fois déjà répété que je le connais et que je lui ai parlé.

Madame. — Vous vous faites donc traîner par lui dans les coulisses pour pincer les femmes ?

Monsieur, qui commence à trépigner. — Ah ! si nous entamons maintenant ce chapitre-là, nous n’en finirons plus. (Voulant la paix.) Tiens, Sylvie, nous ferions mieux de nous coucher.