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marier ; je le comprends sans peine s’il colporte aussi dans les salons ses plaisanteries qui m’ont fait perdre plus de cent clients. — Vous le voyez monsieur, si notre profession a ses charmes, elle offre aussi ses déboires et nous ne vivons pas absolument sur les roses ; mais la pensée que je suis utile à mes semblables m’a toujours soutenue et me fera mourir à mon poste. (Avec joie.) Voici Gaétan ; je reconnais son pas.

(Entrée de Gaétan encore pâle d’effroi.)

Gaétan (avec tendresse.) — Ô ! ma mère ! remercions le ciel, qui vient de nous sauver d’un grand danger !

La marchande (avec espoir.) — Est-ce qu’ils ont enfin renoncé à supprimer les tuyaux de plomb ?

Gaétan (poursuivant.) — Non, c’est bien autre chose… Ce matin, en allant au beurre, je rencontre Vaudel, le garçon de bureau, qui m’apprend une épouvantable nouvelle. Je bondis à l’Hôtel de ville où se trouvaient les plans ; la Commission d’enquête était en séance ; je force sa porte et je lui dis : « Est-il vrai que vous voulez faire passer un nouveau boulevard sur notre maison du général Cambronne ? — Oui, me répond le préfet. — Pourquoi ? — Parce que ce boulevard répond à un besoin qui se fait vivement sentir. — Et nous, lui ai-je demandé, est-ce que nous ne répondons pas au même but ? » — Alors il a réfléchi vingt secondes, puis il a dit : « C’est vrai ! » et, se tournant vers un secrétaire, il a ajouté : « Vous obliquerez le tracé sur la gauche. »