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risque rien n’a rien et qu’il faut, au besoin, savoir faire des sacrifices et perdre de l’argent…

Le monsieur. — …??

La marchande. — Vous demandez si nous perdons de l’argent ? mais à chaque instant ! monsieur. Tenez, un exemple. — Nous recevions un vieux monsieur, qui venait peut-être dix fois par jour avec des espérances ; il n’y avait que le soir qu’il obtenait un peu de réussite. Gaétan, qui est fort observateur, l’a bien examiné et m’a dit : c’est un vieux militaire qui dévore sa retraite en tentatives ; il faut lui proposer un forfait. Alors nous lui avons fait faire un passe-partout que Gaétan lui a donné en ajoutant : « Vous êtes de la maison, seulement, tous les mois offrez quelques fleurs à ma belle-mère. » Nous nous adressions malheureusement à un homme passionné, qui fit de son passe-partout un moyen d’être aimable ; aussi, toute la journée, c’était une procession de femmes qui venaient nous dire : « J’ai la clef du major. » Comme l’entrée était personnelle, Gaétan a supprimé la clef, mais, bon jusqu’au bout, il lui a dit : « Allez, venez ; les jours de succès, vous nous donnerez cinq centimes… juste nos frais, je m’en rapporte à votre délicatesse. » — Il se mit à aller et venir sans relâche, mais il sortait toujours en me disant : « Plaignez-moi ! » — Après huit mois écoulés, comme nous n’avions pas encore reçu son sou, Gaétan, étonné, alla consulter un grand médecin, qui s’écria : « Huit mois sans produire, c’est impossible ! cet homme se vante !! » — Alors Gaétan eut l’idée de le pincer sur le fait et fit