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alors que tout le monde péchait par l’excès contraire… avait complètement perdu ses habitudes ! Il mourait étouffé, et, le plus horrible, ICI !! ici même !… un vrai supplice de Tantale !! Comprenez-vous bien cette mort… comme Moïse… en vue de la terre promise ! — Un miracle l’a enfin rendu à ma tendresse.

Le monsieur. — …?

La marchande. — Non, malheureusement ! je sais fort bien qu’un homme n’a pas besoin d’être un Adonis pour être employé à la halle au beurre, mais je dois avouer que Gaétan n’a pas de physique… (ma pauvre fille ne regardait pas à la figure !)… et cela nuit à son avancement. Tenez, nous avons son inspecteur en chef qui vient ici nous visiter quelquefois… à l’époque des fruits. — Je n’ose pas l’inviter à dîner, car, vous le savez, dans le commerce, on est tellement logé à l’étroit ! surtout ici, où nous vivons presque sur le public. — Bref, il m’a toujours dit : « Si Gaétan avait eu du physique, depuis dix ans il aurait tout le beurre de Paris sur le dos. » — Ce qui complique encore son malheur, c’est que le gouvernement nous en veut.

Le monsieur. — … ???

La marchande. — Oui, à propos des contributions. Un jour je dis au clerc du percepteur : « Je sais qu’il me manque quatorze francs, je vous les apporterai demain. » Là-dessus, il me répond sèchement : « Laissez votre montre. » Alors la colère me grimpe et je lui réplique : « Est-ce que vous