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cher, et j’avoue même (car il avait un faux air du ministre en fuite) que j’ai eu assez peur pour lui, quand le peuple est entré ici afin de piller — à ce moment-là on faisait arme de tout, — et que Gaétan a arrêté la foule par la fermeté de ces simples paroles : « Il est trop tard ! tout a été enlevé la nuit dernière. »

Ah ! monsieur, nous parlons de 1848, voilà une triste époque pour notre maison !! Au lieu de nous venir voir, les bourgeois restaient enfermés et mouraient de peur chez eux ! C’est alors que mon gendre m’a dit : « Mettons une seconde corde à notre arc. » Et aussitôt, tous les jours, par la pluie, le vent et la neige, il a eu le courage d’aller tout dans le haut du faubourg Saint-Jacques prendre des leçons de cathéterisme. Probablement avait-il des dispositions naturelles, car j’entends la légèreté de sa main portée aux nues par ses clients, qui viennent chaque soir lui demander de leur assurer la tranquillité de la nuit ; il y a même un vieux monsieur qui lui répète toujours « Gaétan, quand j’ai affaire à vous, je crois boire du bordeaux de la comète. »

Oui, monsieur, c’est un garçon extraordinaire dont j’ai apprécié toute la valeur quand j’ai cru le perdre au choléra de 1856. — Pour répondre au besoin du moment… (une troisième corde encore à son arc !)… il avait annexé les divertissements à l’eau de riz. — Par malheur, autant il est industrieux, de même il est économe ; le cœur lui saignant de voir jeter tout ce riz crevé, il en fit sa nourriture exclusive. Vous connaissez l’effet de cette céréale ? De sorte que mon pauvre gendre…