Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a bien longtemps qu’on ne vous a vu ! (Avec le sourire.) Vous nous avez fait des infidélités !

Le monsieur. — …!

La marchande. — Vous avez été malade ? Raison de plus ! alors, raison de plus !!

Le monsieur. — …!

La marchande. — Ah ! si votre mal était au pied, c’est au-dessous de ma compétence. — Nous ne vous aurions pas vu aujourd’hui, que Gaétan avait l’intention d’aller demain chez vous s’informer si vous aviez eu à vous plaindre.

Le monsieur. — …?

La marchande. — Gaétan ? c’est mon second gendre, aujourd’hui veuf et inspecteur à la halle au beurre. Je devrais même dire mon unique gendre, car j’ai rompu avec le premier, M. de Mouchtoit, qui est dans les honneurs, et trouve bon de mépriser un commerce où il a pêché une dot. Quand il courtisait Mathilde, c’était une autre gamme : — « Ma bonne madame Lesourd, me disait-il, je vais ce soir au bal du ministère ; donnez-moi donc de vos adresses, je les distribuerai ; j’ai de belles connaissances et je vous ferai une jolie clientèle. » — Ah ! ouiche ! quand il a eu palpé le magot, je n’ai vu aucune de ces fameuses connaissances… sauf son tailleur. Dans son orgueil, il voudrait me faire vendre ce fonds qui, depuis quarante ans est pour moi une patrie pleine de doux souvenirs. — J’y ai passé ma lune de miel. — Je me rappelle encore le soir de nos noces, quand Lesourd m’amena ici : tout était si neuf et si frais que, par une coquetterie de jeune