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cher Barlette, vous feriez mieux de m’expliquer à qui s’adressent vos injures.

Le mari. — C’est vrai ! (Éclatant en sanglots.) Ma femme me trompe ! mon ami, elle me trompe ! — (Avec rage.) Ah ! je la tuerai !

L’ami. — La tuer ! Est-ce que vous êtes joueur ?

Le mari (pleurant.) — Je joue un peu au piquet.

L’ami. — Au piquet !!! Ah ! alors, vous n’avez pas de motif pour la tuer. — Avoir tué sa femme… c’est un fétiche… ça porte bonheur au jeu… mais, au moins, faut-il que ce soit pour un jeu qui en vaille la peine ! Chacun, moi le premier, vous jetterait la pierre si vous aviez tué votre femme pour de simples quatorze d’as — il ne faut jamais gaspiller une chance.

Le mari (étonné). — Mais je la tue uniquement parce qu’elle m’a trompé.

L’ami. — Je veux bien le croire, mais la médisance du monde dira que c’est pour des quatorze d’as. D’abord, êtes-vous sûr qu’elle vous ait trompé ? N’est-ce pas plutôt une pose de votre part ?

Le mari (indigné). — Comment, une pose ?

L’ami. — Oui, il y a des gens qui posent à l’époux trahi pour voler la sympathie de leur cuisinière. — Crier que vous avez été trompé par votre femme m’étonne de vous, qui visez d’ordinaire à l’originalité… Ah ! si vous en étiez certain, ce serait autre chose…

Le mari (vivement). — Mais j’en suis sûr autant que peut l’être un mari dont la femme a passé cinq