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police, quand il eut la chance d’être écrasé par une de ces voitures de laitier ou de boucher que, j’ignore pourquoi, la police laisse courir à toute volée dans les rues de Paris.

De ma nouvelle place au numéro 2, si je ne touchais pas encore la terre promise, j’en sentais au moins les doux parfums. Je respirais l’odeur des carrés de sucre que mon ange caressait de ses blanches mains après avoir manié d’ignobles sous maculés de vert-de-gris ; je humais à pleins poumons l’arôme de l’eau de fleur d’oranger qu’elle versait dans ces vilaines petites bouteilles rondes qui ressemblent à un oignon blanc.

Un obstacle me séparait encore d’elle.

C’était le numéro 1.

Je résolus de le renverser.

Dès ce jour, je lui déclarai la guerre.

Un terrible homme que ce numéro 1, je vous le jure !! Ancien capitaine de gendarmerie, fort comme un Turc, barbu, moustachu, et par-dessus toute galant et monotone ; car, tournant son gros œil vers mon adorée, il lui répétait d’heure en heure, depuis huit ans, cette invariable phrase : « Je suis comme le lierre, je meurs où je m’attache. »

Ce qui me rassurait peu sur la prochaine possession de sa table, car il était bâti à vivre cent ans.

Je cherchai à amadouer le monstre par des contes lestes et des calembours ; mais, tordant sa moustache grise, il tarissait tout à coup ma verve en hurlant de sa voix de cuivre : « C’est en perdant son temps à faire des calembours que Grouchy