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sant : « Hein ! suis-je bien à la minute ? » Ils sont nuisibles à eux-mêmes et désagréables aux autres ! Ou désagréables aux autres : parce que vous comptiez avoir fini, avant leur arrivée, telle ou telle chose que leur exactitude vous force d’interrompre. Ou nuisibles à eux-mêmes, parce que, sachant leur exactitude, vous n’avez rien voulu entamer aux dix dernières minutes ; que vous vous impatientez après leur arrivée pendant qu’ils guettent dehors, d’œil à l’aiguille de leur montre, le triomphe d’apparaître à la seconde voulue ; de sorte qu’à leur entrée, ils sont pour vous, qui attendiez, d’un quart d’heure en retard.

Oui, monsieur, moi qui, pendant vingt ans, servis à régler sur mon passage toutes les horloges du quartier, je vous le répète : « L’exactitude est un exécrable défaut ! » Et je m’en suis guéri, car je lui dois un des plus affreux chagrins de ma vie.

Écoutez et jugez :

J’ai, durant sept longues années, déjeuné dans le même café. À onze heures cinq minutes, j’ouvrais la porte ; à midi moins cinq, je la refermais.

Inutile de vous faire l’éloge de la dame du comptoir ! Qu’il vous suffise de savoir que, dès ma première tasse de café, elle régna sur mon cœur. Mon regard lui dit-il que je l’aimais ? devina-t-elle mon amour ? Je l’ignore ; mais nous nous aimâmes à distance, sans mot dire, pendant sept ans… car je mis sept ans à me rapprocher de son comptoir assez près pour lui parler sans la compromettre.

Oui, sept ans ! pour avancer de la table nu-