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La veuve Colombin. — Oh ! vous ne la garantiriez pas tout fil.

Aglaé. — Pourquoi pas ?

La veuve Colombin. — La couturière doit bien rire du Pilodo.

Aglaé. — Du tout ; mademoiselle tient ça de ses aïeux… Et puis, voulez-vous que je vous dise, madame Colombin, vous êtes une désillusionneuse !

La veuve Colombin. — C’est possible ; mais, les femmes bien faites, j’ai été payée pour n’y pas croire ; ça m’a coûté jadis ma place chez le baron de Balluchon, où je tenais le linge.

V’là qu’un jour il me dit :

— Madame Colombin, j’ai le cœur vide.

— Il y a, au cinquième étage, l’actrice du Lazari qu’est vacante d’hier ; achetez la charge, que je lui réplique.

— Non, qu’il ajoute, ça c’est à la colle, et je veux me marier à l’huile. Là-dessus, il m’envoie lui prendre un abonnement au Journal des Pompes funèbres.

Tous les matins, il lisait le feuilleton des décès, et, à chaque mari mort, il courait chez la veuve lui demander sa main ; et partout on lui répondait :

— Désolée, mais j’étais retenue d’avance.

Moi je me disais : Puisqu’on guérit de la rage, ça lui passera.

Pour lors, un autre beau matin, il me lâche encore à brûle-pourpoint :

— Décidément, je vais épouser mademoiselle Clarisse, la maîtresse de langues ; c’est une femme magnifique !

— Tant que ça ! que je m’écrie.