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La veuve Colombin. — Est-ce qu’elle a demandé à réfléchir ? Ce serait un peu tard.

Aglaé. — De la patience… Mademoiselle vient de s’évanouir. À l’entrée de son gendre, le père Ducerceau lui a présenté sa fille en disant : « Vierge je l’ai reçue de sa mère, il y a vingt-deux ans, vierge je vous la remets. » — Si vous aviez vu dans ce moment-là comme il était fier !

La veuve Colombin. — Fier ! et de quoi fier ? pour sa vierge de vingt-deux ans ? faut-il pas lui donner une médaille de sauvetage, à cet homme ?

M. Dutoc. — Parbleu ! Newton aussi était vierge, et son père n’allait pas le crier sur les toits.

Madame Cambournac. — Jeanne d’Arc également ; mais on l’a brûlée, celle-là !

Aglaé. — Calmez-vous !… Je ne voulais pas faire du tort à notre demoiselle.

Madame Cambournac. — Votre demoiselle… votre demoiselle ferait mieux de se dépêcher, au lieu de laisser le pauvre monde sur ses jambes à l’attendre. — Oh ! les riches !…

M. Dutoc. — C’est vrai. Pourquoi se marie-t-elle, puisqu’elle n’est pas plus pressée que ça ? Si j’étais le Pilodo, je sortirais et je vendrais ma contremarque.

Aglaé. — Possible, mais il n’en trouverait pas une seconde aussi douce, laborieuse, tranquille et bien éduquée.

La veuve Colombin. — Dites donc, pendant que vous y êtes, mettez-lui de suite une barbe et fabriquez-en un saint de votre demoiselle.

Aglaé. — Sans compte qu’elle est faite au tour.