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en une plaie saignante ; qui se débat contre mille petites oppositions sourdes, dont il ne peut se rendre compte, car il ne voit personne autour de lui, et qui, las enfin d’une lutte inutile, se laisse tomber un beau matin en disant de bonne foi :

— À coup sûr, c’est de la déveine, car je ne me connais pas un ennemi.

Cet homme succombe à l’ennemi inconnu.

D’où vient l’ennemi inconnu ?

Quelle cause l’a fait naître ? Je l’ignore. Lui-même n’oserait la dire, car elle est souvent si niaise ou si basse qu’il ne la peut avouer. Il vous hait d’autant mieux qu’il sait avoir tort de haïr.

La jalousie, l’envie, l’amour-propre froissé font surgir l’ennemi inconnu qui devient d’autant plus féroce qu’il est privé, enchaîné par sa lâcheté, du plus grand plaisir de la vengeance.

Celui de pouvoir dire en face à son ennemi « Tu souffres par moi. »

L’ennemi inconnu naît de la classe des sots où il trouve de nombreux auxiliaires.

Les sots croiront toujours à la calomnie et lui serviront de commis voyageurs ; car, à peine éclose, ils propageront toute médisance qu’on leur avait donnée à couver dans l’œuf.

Ils la soutiendront au besoin, surtout si elle est