Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dutoc. — Alors vous me donnez à entendre que le chemin de fer les égorge à mesure qu’ils se présentent pour étouffer toutes les réclamations sur sa négligence. C’est un vilain jeu qu’il joue là. — Il y a déjà assez de plaintes du public contre les administrations, sans y ajouter ce nouveau grief.

Beaudard. — Vous en voulez aux administrations ?

Dutoc. — Elles m’ont perdu un parapluie qu’on m’avait prêté, ce qui m’a fait manquer un mariage superbe, car il appartenait à mon futur beau-père, qui s’est dit avec quelque raison : « À un homme qui égare ce qu’on lui prête, je ne saurais confier mon enfant ». Il a eu la crainte de me voir oublier ma femme un beau jour dans un wagon ; et il a eu raison… car on ne me l’aurait à coup sûr pas rendue… à en juger par ce qui nous arrive aujourd’hui.

Beaudard. — Ah ! voilà encore la dernière voiture qui part aux renseignements.

Dutoc, en colère. — Ils veulent donc nous faire arrêter, les misérables !

Beaudard. — Arrêter !… Pourquoi ?

Dutoc. — Dame ! de quoi avons-nous l’air, ainsi groupés dans la rue ?… d’une émeute ! Si la police vient à passer… que lui répondrons-nous, s’il vous plaît, quand elle nous interrogera ?

Beaudard. — Nous lui dirons que nous venons pour un enterrement.

Dutoc. — Ouais ! avec ça qu’elle n’est pas méfiante ! La première chose qu’elle nous demandera, c’est : « Où est votre mort ? où sont vos voitures ? » Nous n’avions en main que cette dernière voiture pour prouver notre bonne foi.