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Beaudard. — Ah ! ne m’en parlez pas ! Tout le monde est là, chacun est à son poste et, comme un fait exprès, il ne manque qu’une personne à cet enterrement, et c’est précisément le mort lui-même !

Dutoc. — Est-ce qu’il a été mangé par les frais de la maladie ?

Beaudard. — Non. Il paraît qu’on a perdu le corps.

Dutoc. — Pas possible !

Beaudard. — Comme je vous le dis. Le cousin qui hérite est allé aux eaux de X… chercher le corps, qu’il a ramené en chemin de fer. Le défunt, qui venait de se retirer des affaires, s’était logé à l’auberge pendant qu’on lui bâtissait un petit hôtel, puis, afin de prendre patience, il était parti aux eaux pour son agrément.

Dutoc. — Ça lui a réussi.

Beaudard. — De sorte qu’il n’avait pas à Paris de domicile qui pût recevoir sa dépouille.

Dutoc. — L’héritier aurait dû lui offrir son local.

Beaudard. — Ah ! le pauvre cher homme ! L’héritage vient de le surprendre à ses dernières bretelles, au Mont-de-Piété, car il logeait en garni !… Il a donc prié le chemin de fer de lui garder son mort vingt-quatre heures, et il s’est dit : « Ils l’ont et ils ne le vendront pas ; je vais le leur laisser deux jours pour avoir le temps de tout ordonner et d’envoyer mes billets ». — Très bien ! Mais il paraît que ce matin, quand il est aller réclamer le défunt, on n’a plus rien retrouvé… le wagon a été déplacé… où est-il ?