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toujours la guerre parce que je ne prends pas d’exercice, si tu le veux, nous allons partir, bras dessus, bras dessous, à pied comme deux vrais amoureux, et, du boulevard Beaumarchais, nous irons, tout en flânant jusqu’à la Madeleine, déjeuner dans quelque petit endroit pas cher de ce quartier-là ? Qu’en dis-tu ?

— De grand cœur ! mon bon chat.

— Hein ! je suis gentille ? Tu ne diras pas que je te ruine en voitures ? — Seulement, si mon loulou veut être bien aimable… bien prévenant… bien gracieux pour sa Niniche, il lui payera quelque chose dont elle a envie… oh ! mais bien envie depuis longtemps.

Sentant poindre une carotte, le Loulou en question eut un mouvement nerveux et murmura :

— Sans doute encore quelque coûteuse inutilité ?

— Oh ! comme c’est méchant ce que tu dis là, juste quand je viens de répéter que je ne veux pas te faire dépenser d’argent. C’est bien, monsieur ; alors je me payerai ce caprice de ma bourse… ça ne vous aurait cependant pas ruiné, vilain avare !

— Voyons, Niniche, ne boude pas et dis-moi quel est ce caprice.

— Figure-toi que, depuis trois ans, chaque fois que je passe devant le fameux marchand de brioches à un sou, de la rue de la Lune, je meurs d’envie d’en acheter… mais je n’ose car, tu comprends, une femme seule et bien mise… on a l’air d’une meurt-de-faim, qui a dépensé son dîner en toilette. À notre passage devant la boutique, tu iras