Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poir ou de passion. Un impérieux voyage allait interrompre durant six mois un de ces amours profonds, énergiques, dévoués, qui semblent devoir résister à tout, un de ces amours éternels qui s’éteignent seulement avec le dernier souffle.

Quand, le lendemain, je les vis gagner le port, ils se tenaient nerveusement serrés, les yeux pleins de larmes, et semblant souffrir à chaque pas qui les rapprochait du navire. Durant les dernières minutes qui précédèrent l’embarquement, ils restèrent immobiles, étrangers à la foule qui les regardait, face à face, les yeux dans les yeux, chacun semblant lire au fond de l’âme de l’autre, mais sans pouvoir parler, tant la douleur les serrait à la gorge. Vingt fois l’homme mit courageusement le pied sur la planche du bateau mais, vingt fois, il revint pour un nouveau baiser.

Il fallut l’arracher des bras de la pauvre femme et, dans leur dernier embrassement, ils échangèrent aussi leur dernier serment d’un amour éternel.

Elle était bien belle, sa Marie !

Si belle, que je ne pourrais arriver à la peindre telle que je l’ai vue quand, accourue tout au bord de la jetée afin de suivre plus longtemps le navire qui fuyait, elle agita son blanc mouchoir.

Quant à lui, les côtes de France avaient disparu et la nuit était arrivée, que, les yeux pleins de grosses larmes silencieusement versées, il regar-