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dès ce soir, quand il aura fini son café, je me propose bien de lui dire devant tous : « Si vous avez encore faim, la bonne va vous aller acheter de la charcuterie. »

Monsieur, la calmant. — Ne te monte pas comme ça, ne te monte pas. (Souriant.) Allons, Bichette, fais cela pour ton petit mari qui t’aime… (Signe négatif de madame.) C’est bien décidé… réfléchis… tu refuses de me faire plaisir ? (Appelant.) Toinette ! Toinette ! (Elle arrive.) Rembrochez le veau.

Madame, furieuse. — Je vous le défends !

Monsieur, sèchement. — Et moi je vous l’ordonne. (Toinette reste immobile.) Qu’attendez-vous ?

Toinette. — Il faudrait cependant vous entendre. Je ne sais ce que ce carré de veau doit penser en allant et venant ainsi le long de la broche.

Monsieur. — Pas d’observations ! Embrochez ou je vous remercie, paresseuse !

Madame, furieuse. — Débrochez de suite ou je vous flanque à la porte, propre à rien !

Toinette. — Ah ! dites donc, c’est bien assez de servir des polichinelles qui ne savent ce qu’ils veulent, sans être insultée par-dessus le marché.

Monsieur et Madame. — Sortez, je vous chasse, insolente !

Toinette. — Ah ! c’est comme ça ! attendez. (Elle court à la cuisine et en rapporte le morceau.) Tenez, le voici votre carré de veau, vous en ferez ce que bon vous plaira…

Elle le pose sur le crachoir. À la vue de cette viande, qui cause la querelle, madame, en furie, se précipite dessus et la prend en disant :