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Monsieur. — Justement, Lèchelard ne vient pas ; il m’a écrit qu’il faisait ce soir une conférence au quai Malaquais sur le blanc de poulet obtenu par la céruse. Nous ne serons plus que six.

Madame. — Alors, nous avons dix fois trop à manger. (Appelant.) Toinette ! (La cuisinière arrive.). Débrochez le veau, il est inutile. (Toinette sort.). Ma mère et ma sœur viennent demain matin, ça fera notre déjeuner.

Monsieur, hésitant. — Oui, mais ce soir nous aurons bien juste, il faudra lécher les plats.

Madame. — Au bon moment, tu feras l’inquiet comme si Chevet t’avait manqué de parole. Nous les ferons attendre une demi-heure après le lapin mangé, puis tu prendras un air découragé et tu t’écrieras : « Allons, il faut décidément passer aux asperges ! Oh ! c’est la dernière fois que ce fournisseur a vu mon argent ! »

Monsieur. — Je dirai plutôt « mes louis », ça leur fera croire que c’était un plat impossible !

Madame. — Et ils seront les premiers à nous consoler ! Au moment du café, Toinette ira sonner à la porte d’entrée, puis elle viendra nous dire en plein salon : « C’est la poularde truffée qu’on apporte de chez Chevet ».

Monsieur. — Je sortirai aussitôt comme pour aller laver la tête au garçon retardataire.

Madame. — Oui, et tu profiteras de ta sortie pour mettre sous clef les bouteilles entamées que nous aurons laissées sur la table, car je me méfie de Toinette.

Monsieur, convaincu par cette raison. — C’est juste. Malgré tout, ils auront un bien piètre festin.