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du monde le soir à dîner, que c’est plutôt le devoir d’une femme de rester à la maison que d’aller courir les couturières toute la journée.

Madame. — Autant dire tout de suite que tu voulais me voir paraître entièrement nue à ce dîner, car il ne me restait rien à me mettre sur le dos.

Monsieur. — C’est bien étonnant qu’à toutes nos occasions de soirées, spectacles ou dîners, il ne te reste jamais rien à te mettre sur le dos. Il faudrait emplir tes armoires de camphre, puisque les vers te dévorent ainsi tes robes jusqu’au dernier bouton.

Madame. — Tu cherches à détourner adroitement la question, et je n’étais pas fâchée de savoir comment tu t’y prendrais pour recevoir du monde à dîner, si par hasard tu étais seul… ou veuf… Qu’as-tu commandé à Toinette ?

Monsieur. — Nous avons d’abord deux énormes maquereaux… des petites baleines… il n’y avait que ces deux-là au marché. Puis un beau lapin sauté, un joli carré de veau, une salade et des asperges.

Madame. — Mais tout ça forme un vrai dîner de portier. Tes maquereaux, ton lapin sauté…

Monsieur. — C’est un lapin savant ; il appartenait au saltimbanque qui l’a oublié en filant de sa mansarde dont il ne nous payait pas les loyers.

Madame. — Il faudra donc insister devant nos convives pour leur faire bien apprécier que c’est un lapin savant. De plus, pour lui donner meilleur air, nous devons le faire accommoder aux confitures ; tu diras que c’est un mets russe… Ça nous posera devant le savant M. de Lèchelard, qui adore les choses excentriques.