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venus de la campagne ? Est-ce que tu vas me les laisser sur le dos jusqu’à demain ? Où veux-tu que je les loge ? Mets-toi un peu à ma place.

Saint-Phar, vivement. — Avec plaisir. Prenez la mienne.

Le tentateur, heureux. — Ah ! farceur ! De l’esprit, maintenant ! Je savais bien que tu voulais seulement me donner un peu de tablature ! (D’un ton confidentiel.) Entre nous, tu sais aussi bien que moi à qui ton obéissance fera plaisir ? C’est l’Empereur qui l’ordonne.

Saint-Phar, avec l’accent d’un vif reproche. — Mais ce n’est pas dans ce but que j’ai voté pour lui.

Le tentateur, vivement. — Ah ! comme je te prends là ! Je savais bien que tu n’étais pas logique. Qui te l’a demandé, cet Empereur ? Personne. Les élections étaient libres ; on ne t’a pas influencé. Tu as dit : « Oui, je le veux, donnez-le-moi » Tu t’es même conformé aux textes saints qui disent : Elegite ex vobis meliorem, quem vobis placuerit, et ponite eum super solium… C’est donc le souverain de ton cœur, l’empereur de ton goût… Il le sait, et… crac !… à la première chose qu’il te demande, tu lui refuses !!! Alors, sais-tu ce qu’il dira, tout surpris, le soir, sur l’oreiller, en causant avec sa dame ? Il dira « Tiens ! je croyais que Saint-Phar était de mon bord !!! »

À cette perspective, le condamné se lève d’un seul bond ; une violente émotion lui coupe la parole ; mais, par ses gestes, il fait comprendre qu’il est résigné à tout.

Le tentateur, avec une satisfaction modeste. — Ah !