Madame. — Mangeons aussi le croupion ; nous dirons que ma mère était accompagnée de mon frère.
Monsieur. — Mieux que cela ! Détachons de suite le bonnet d’évêque, et nous ajouterons que ton frère était aussi avec sa femme.
Madame. — Convenu ! seulement, nous ne toucherons pas aux truffes.
Monsieur. — Nous les garderons toutes pour notre vieil ami.
(Moment de silence, qui n’est troublé que par le bruit des mâchoires.)
Madame. — Quel vin ferons-nous boire à Lemadru avec sa poularde ? J’avais songé à notre vieux beaune.
Monsieur. — Y penses-tu ? Il nous en reste à peine six bouteilles ! Mieux vaut les garder pour quand nous aurons des étrangers. — Si nous devons nous ruiner pour cette poularde, elle n’est plus un cadeau.
Madame. — Mais il me semble que Lemadru vaut bien la peine…
Monsieur, interrompant. — Alors, s’il faut se gêner avec un ancien camarade, ce n’est pas la peine d’avoir des amis.
Madame. — Oui, mais un verre de bon vin fait toujours plaisir.
Monsieur. — Il se soucie bien de ton bon vin ! — et pour cause : — il y a longtemps que sa très mauvaise santé lui commande l’eau rougie.
Madame. — Lui ! Il a l’air de si bien se porter…
Monsieur. — Il fait semblant… par vanité. Ah ! on ne passe pas impunément vingt bonnes années