Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais ce fâcheux contretemps a coupé net l’appétit des Dubourg, qui dînent du bout des lèvres. Le soir, c’est presque à jeun qu’ils se mettent au lit, après avoir été faire un dernier et pieux pèlerinage à la poularde placée sur le buffet.

Au milieu de la nuit, M. Dubourg, que la faim tient éveillé, s’aperçoit, à la lueur de la veilleuse, que sa femme ne dort pas.

Monsieur. — Je pensais à…

Madame. — Et moi aussi.

Monsieur. — La sens-tu ?

Madame. — L’odeur des truffes arrive par les tuyaux du calorifère.

Monsieur. — As-tu bien fermé les portes ? car si le chat…

Madame. — Ciel ! Tu m’épouvantes ! Tu devrais aller voir. (Le mari saute du lit et revient avec la poularde, qu’il place sur la table de nuit.)

Monsieur. — Plus de peur que de mal ! J’en ai eu froid dans le dos !

Madame. — Comme elle a bonne mine !

Monsieur. — D’autant plus bonne mine que nous mourons de faim.

Madame. — Volontairement ! Car Lemadru nous a bien laissé maîtres d’en disposer entièrement.

Monsieur. — Sauf une aile !… il est vrai que c’est le meilleur morceau.

Madame. — Lemadru a du goût.