Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tiens, Saint-Phar, je suis très observateur, moi ! veux-tu que je te le dise ?… Tu ne l’avoueras pas, mais cette résistance ne vient pas de toi… On t’a monté la tête… Tu te fais un monstre de la chose. Au fond, qu’est-ce ? Un rien, une simple formalité… Examinons un peu ensemble : d’abord, tu te garnis d’un confortable déjeuner. (Souriant.) Est-ce bien difficile, hein ?… Puis, on te rafraîchit prestement la chevelure, c’est hygiénique, et cela te rajeunit… Ensuite, tu t’en vas tranquillement en voiture. (Insistant.) En voiture, mon très bon, en voi-tu-re ! Durant le trajet, tu causes de choses et d’autres avec le prêtre, et le temps se passe en un clin d’œil… À l’arrivée, on vient à ta rencontre, on t’ouvre la portière, on te tend les bras ; tout le monde est à ta disposition !… Tu montes un escalier très doux, un étage, un seul étage ! Tout au plus un petit entresol… Tu salues et… le-temps-de-tourner-la-tête… prrrrrou ! c’est fini ! (Souriant.) Et tout le monde s’en va content.

Saint-Phar. — Tout le monde, tout le monde ! ça vous plaît à dire ! Je…

Le tentateur, l’interrompant. — Ne parlons pas tous les deux à la fois, s’il te plaît. Je suis sérieux. Donc, si tu ne veux pas aujourd’hui, ce sera demain… D’abord, demain, c’est un vendredi, un vilain jour qui te portera malheur ! Demain, mes enfants seront retournés au collège ; demain, on sera indisposé contre toi, on ira à ses affaires, et tu n’auras pas un chat à ton exécution. C’est donc flatteur, ça ?

Saint-Phar. — Je ne cherche pas la popularité.

Le tentateur. — Et mes douze amis qui sont