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(Éclatant.) Toi, te voilà dans ta ville natale, au milieu de tous tes compatriotes !… Mais dis-moi donc un peu ce qu’il te faut de plus ? Gourmand !!!

Saint-Phar. — Possible !… Mais j’ai de la méfiance.

Le tentateur. — Voyons, ne fais pas le fou, raisonnons un peu… Sois franc : avant d’être pris, tu ne vivais pas tranquille… Tu avais des remords… Tu te disais : « Si on me pince, on me fourrera en prison, j’irai au tribunal où les juges me diront mille choses désagréables, — des personnalités même ! » Bien, très bien, tu raisonnais juste. Mais aujourd’hui tout cela est passé, le plus difficile est fait… Il ne t’en reste plus que pour cinq minutes à peine… et tu hésites ? Je ne te comprends pas. Avec ça que c’est amusant, la prison… et surtout bon pour la santé ; que tu es jaune comme un coing ! (Avec intérêt) Viens… au moins tu prendras l’air, ça te fera passer un instant.

Saint-Phar. — Non, je suis casanier.

Le tentateur. — Sans parler de monsieur le Bourreau qui, depuis ce matin, te graissote son petit meuble… des prévenances comme pour un fils, le cher homme ! C’est, entre vous, les premiers rapports, et tu le dédaignes ? (Sérieux.) Un ennemi que tu te fais ! Prends garde !

Saint-Phar. — Je n’aime pas les nouveaux visages ; le sien est triste.

Le tentateur. — Crois-tu donc qu’il soit bien gai par état ? Jadis, il avait au moins la roue pour son amusement, et on la lui a retirée ! Si on lui donnait le choix, il préférerait un voyage en Suisse, sois-en bien certain… Voyons, te décides-tu ?