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Son subordonné, qui voit son avancement compromis, fait de vains efforts pour calmer le mécontentement de ce personnage influent.

Enfin, il se résout à un grand moyen.

— Je connais un peu Saint-Phar, dit-il, je vais aller lui faire entendre raison.

Il se rend à la prison et pénètre dans la cellule du condamné.

Le dialogue suivant s’établit :

Le tentateur. — Eh bien ! qu’est-ce que tous ces menteurs-là me disent ? (Lui tapotant les joues) Que tu ne veux pas te laisser guil-lo-ti-ner ?

Saint-Phar, sèchement. — Non.

Le tentateur. — La raison, s’il vous plaît ?

Saint-Phar, d’un ton froissé. — On me prévient au dernier moment.

Le tentateur. — Quoi ? au dernier moment ! Toute la nuit tu as entendu des coups de marteau qui t’empêchaient de dormir ; cela ne t’a pas intrigué ? Tu n’as pas eu la curiosité de te dire : « Qu’est-ce que c’est ? » Eh bien ! c’était la petite machine que l’on te dressait sur la place Bourdaillard, dont le marché est remis à cause de toi. (Avec reproche) Et tu attends à la dernière heure pour faire le capricieux ? Allons ! viens, grand enfant !

Saint-Phar, inébranlable. — Non.

Le tentateur, surpris. — Mais, malheureux ! tout le monde est arrivé ! La magistrature, le clergé, le peuple, les soldats qui vont te faire la haie comme pour l’empereur ; chacun est en place… On n’attend plus que toi… (Insistant) On n’attend plus que toi u-ni-que-ment.