treprise chanceuse et pleine de périls. Ceci est tellement vrai que, vu l’incertitude de la tentative, chaque schelingue est suivie de katimarons, sorte de radeaux prêts à recueillir les naufragés.
À la moindre fausse embardée, à droite ou à gauche, dès que la schelingue présente l’un de ses flancs à la lame, celle-ci, frappant de toute sa violence sur un objet à large surface, lui imprime un choc tel qu’elle la renverse et la brise infailliblement. Tout dépend donc de l’habileté du patron à toujours présenter l’avant de l’embarcation à la barre afin de la faire entrer sans trop de résistance dans le ressac.
Ce patron, sur lequel pèse une si grande responsabilité, ne parait pas s’en inquiéter outre mesure. En même temps qu’il veille au salut de ses voyageurs, il remplit les fonctions de chef d’orchestre et bat la mesure sur son gouvernail afin de donner le mouvement au chant monotone que ses rameurs entonnent, au début de l’opération, et ne cessent que lorsque, après avoir subi à trois ou quatre reprises d’énergiques secousses, la schelingue échoue brutalement sur la côte.
Alors les rameurs ne chantent plus, ils prennent sur leurs épaules les passagers ahuris et trempés et les déposent à terre le plus galamment du monde. Rien ne pourrait donner une idée du sang-froid et de l’indifférence avec lesquels ces hommes accomplissent les divers actes de leur dangereux métier.