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Le livre de Manou consacre aussi le principe de la délégation. Le roi, quand il ne jugeait pas lui-même, pouvait charger un brahmine instruit du soin de remplir son office. Le législateur montre une remarquable sollicitude pour le choix de ces délégués.

« Que le prince, dit-il au sloca xx, du chapitre VIII, choisisse, si telle est sa volonté, comme interprète de la loi, un homme de la classe sacerdotale qui n’en remplit pas les devoirs et qui ait d’autres recommandations que sa naissance, ou, à défaut de brahmine, un schatria ou un wayssia, mais jamais un homme de la classe servile. »

Manou pensait sans doute, comme plus tard le divin Homère, que l’homme plongé dans l’esclavage ou réduit à la domesticité perd la moitié de sa vertu.

Certes ces préceptes, qui tendent à courber toutes les têtes devant une seule, ne sont plus de notre époque ; nous aimons la liberté parce que nous la croyons compatible avec le respect de l’autorité et qu’elle est l’essence de la dignité humaine ; mais le législateur indien s’adressait à des races primitives, crédules autant que barbares ; il avait à créer une société et une civilisation, et il avait compris qu’il n’atteindrait pas le but s’il ne frappait les masses d’une salutaire terreur.

Là où éclatent la haute pensée et la prudente morale du législateur indien, c’est dans les devoirs qu’il trace aux juges et dans les préceptes qui doivent leur servir