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rend, à divers points de vue, d’utiles services au patron, mais il remplit un peu trop auprès de lui le rôle de son ombre. C’est le joueur de flûte dont le sénat romain avait honoré le consul Duilius, avec cette différence que le dobachi ne joue pas de la flûte.

Le mien s’était fait chrétien trois ou quatre fois en vue de la prime que les missionnaires accordaient aux Indiens que leurs exhortations conduisaient au baptême. Il était revenu à Brahma afin que la prime pût lui être encore accordée. Il se nommait Antou. Le soir, lorsque, pour rentrer, je traversais l’immense place du Gouvernement, il marchait devant moi avec une lanterne.

Quand j’avais eu la chance de gagner au jeu, je lui donnais une roupie, et il me baisait les deux mains en pleurant de joie. Au reste, il me volait avec une régularité exemplaire, et je lui pardonnais de grand cœur, car il mettait dans cette mauvaise action autant de dextérité que d’esprit.

Si le sort du jeu ne m’avait laissé que de la monnaie de billon, je la plaçais sur une table, où je ne la retrouvais plus le lendemain.

Alors, prenant Antou par l’oreille, je lui disais :

— Pourquoi as-tu empoché mes caches, coquin ?

— Je n’ai rien pris ; monsieur est si bon : il avait mis là ses caches pour son pauvre dobachi. Ce n’était pas bien à moi de refuser.