Page:Chauveau - Charles Guérin, roman de mœurs canadiennes, 1853.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
CHARLES GUÉRIN.

été ; mais vous ne faites que partager avec un associé, qui dans neuf cas sur dix est sur son déclin, la clientelle que vous auriez pu acquérir vous-même. Ça n’empêche pas, que pour les gens qui ne savent pas se pousser, ça ne soit un grand avantage. Le beau-père seigneur est fameux pour les affaires de routine et les discussions d’immeubles. Mais le beau-père marchand est le meilleur beau-père qu’il y ait parmi toutes les espèces de beaux-pères connus. Il est toujours à présumer que le beau-père marchand deviendra seigneur : alors ça nous fait deux beaux-pères dans un. C’est une économie toute claire.

— Allons ; c’est arrangé, vous y gagnerez tous les deux : il n’y aura peut-être que c’te pauvre mam’selle Clorinde qui y perdra. Il n’y a qu’une petite chose qui m’embarrasse. Je voudrais savoir ce que je gagnerai à me mêler de cette affaire-là.

— Le lendemain de mon mariage, je te fais entrer en société avec mon beau-père.

— Tu n’y penses pas : tu aimes trop à faire des économies de beaux-pères. Ça te ferait comme qui dirait un beau-père en deux, au lieu de deux beaux-pères dans un. Mais si tu disais la veille de ton mariage, ou bien un ou deux mois avant, ça te serait-il égal ? Je t’assure que pour moi, ça ne me serait pas indiffèrent. Dépêches-toi de me promettre ça… autrement je ne dis pas un mot de toi à mon bourgeois, et tu t’arrangeras comme tu pourras.

— Allons… tu sais bien, mon pauvre François, qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant que de l’avoir tué. Je ne peux pas te promettre comme cela, avant de savoir comment iront mes affaires. Tout ce que je puis t’assurer, c’est que je te ferai quelqu’avantage… d’une manière ou d’une autre.

— Eh bien ! ce que je te promets moi, c’est que tu me feras ces avantages-là d’une bonne manière, et avant que de te marier. C’est une affaire décidée. J’entreprends ton mariage ; à moi le soin de faire mes conditions, et je ne m’oublierai pas ; car je