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CHARLES GUÉRIN.

sapin, qu’une propreté exquise fesait paraître luisantes et dorées, ainsi que le plancher, qui était nu, à l’exception de ce que recouvraient deux bouts de tapis, étalés avec orgueil l’un près du lit, l’autre près de la table d’étude. Une petite armoire d’un bois très vil, peinte en rouge, et dont on avait fait une bibliothèque à l’aide de quelques planches, était posée sur la table et couronnée par une statue d’Hercule, en plâtre, statue presque colossale, et dont l’acquisition avait dû épuiser pour plusieurs mois les subsides que le maître du logis recevait de ses parens. Des gravures et des lithographies, représentant soit des sujets religieux, soit des danseuses plus ou moins décolletées, étaient collées ça et là sur les cloisons et sur les deux pans de la petite armoire. Un petit crucifix doré, cadeau d’une mère pieuse, protestait au chevet du lit, contre l’espèce de transformation qui s’opérait dans les idées de l’étudiant. Le lit, placé dans un des angles de la chambre, la table d’étude avec la bibliothèque improvisée, placées dans l’angle opposé, trois mauvaises chaises en paille, un grand coffre bleu, et un petit nécessaire, très antique dans sa forme, formaient tout le ménage du jeune célibataire. Au dessus de la porte, il y avait une énorme tête d’orignal au bois large et développé, qui aurait fait honneur à un musée d’histoire naturelle, ou au salon de quelque Nemrod de Québec ou de Montréal ; mais nous devons dire, que celui qui aurait attribué la mort du noble animal au possesseur de sa dépouille, aurait commis une criante injustice.

Tout, comme on le voit, dans cette petite chambre trahissait dans celui qui l’occupait une association d’idées étranges, une lutte intérieure de la religion contre la mondanité, un attachement capricieux pour des objets futiles, un grand dédain pour toutes les bonnes et utiles choses qui composent ce que l’on appelle le comfort.

Charles Guérin, car nos lecteurs n’ont pas manqué de de-