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CHARLES GUÉRIN.

« Agriculture : Cette grande et noble occupation, seule base de la prospérité des peuples, est suivie par la très grande majorité des habitans du Canada. Ils n’ont cessé d’y trouver, non seulement une subsistance, mais encore les moyens d’entretenir leurs importantes relations commerciales. La fertilité du sol et l’immense étendue de nos forêts promettent à la génération naissante le même bien-être matériel et moral, pourvu qu’en améliorant la culture des terres anciennes, elle se hâte de saisir et de faire valoir le riche héritage qui lui est légué par la Providence.

« Nous ne pouvons nous défendre d’indiquer ici quelques uns des principes que l'habitant devrait toujours avoir devant les yeux.

« 1o Faire toutes choses à temps et calculer le prix du temps : ces deux points fidèlement observés doubleraient souvent nos richesses agricoles. Prévoir le moment de chaque semence et de chaque récolte et ne pas souffrir que rien alors détourne du travail nécessaire — couper de bonne heure le foin — le rassembler en veillotes à la fin du jour, le saler plutôt que de le laisser gâter par la pluie — mettre le grain en quintaux, etc.

2o Rendre à la terre autant qu’on lui enlève. L’engrais : c’est la condition essentielle. Se rappeler que non seulement tous les fumiers, mais encore toutes les substances végétales et animales, peuvent être mis à profit ; même que les diverses espèces de sols se fécondent mutuellement — tirer parti de la chaux, du plâtre, de la terre glaise pulvérisée au feu, de la boue des fossés, des débris de boucheries et des animaux morts, du varec, du caplan, etc. — Préparer les engrais et les répandre à propos : la plupart demandent à être légèrement fermentés.

3o Observer la rotation des récoltes. Prenons par exemple un champ en pacage, 1re année, labours (l’automne, à moins que ce ne soit un sol léger) récolte de graine ou de pois ; 2de année, labours et récoltes au sillon : patates, choux, carottes, navets, panais, betteraves ou blé-d’inde — déposer l’engrais dans les sillons et le recouvrir le même jour, — c’est surtout durant cette seconde année qu’on fait la guerre aux mauvaises herbes ; 3e année, herser et labourer le printemps, au travers des sillons ; semer blé, orge, etc., et aussitôt après graines de foin,(trèfle, mil, sainfoin, etc.,) puis brosser avec la herse d’épines ; 4e année, on a une prairie qu’il faut entretenir, engraisser et relever en temps convenable.

4o Bien faire les labours — bien égoutter — bien distribuer les cours d’eau — semer force graines d’herbes fourragères — planter des arbres — conserver les terres en bois — ne pas brûler les terres neuves — surveiller les champs, etc.

5o Cultiver beaucoup plus en grand toutes sortes de légumes (la carotte eutr’autres, excellente nourriture pour les vaches laitières et les chevaux), le lin, le chanvre, le blé d’inde : ce dernier aime un sol un peu sec, exposé au soleil — on le sème aussitôt après le blé, le recouvrant d’un pouce de terre végétale — de la cendre, du compost ou du plâtre lui conviennent pour engrais — on le rechausse deux ou trois fois.

6o Élever avec soin les races d’animaux les plus utiles, — les loger sèchement, proprement, assez grandement — nourrir abondamment l’agneau, la petite génisse et la vache laitière — les chevaux de travail et les porcs demandent plus de chaleur que les vaches laitières, et celles-ci plus que les moutons : avoir de ceux-ci un grand nombre — leur donner du sel ainsi qu’aux bêtes à cornes et aux chevaux.

7o Perfectionner ses instrumens et ses bâtisses, les tenir eu bon état, se procurer diverses inventions qui ménagent le temps, telles que les moulins à battre, à vanner, à hâcher les légumes, etc. Multiplier tous les genres d’industrie domestique — suivre les meilleurs procédés pour les étoffes, les ouvrages en paille, le beurre, le fromage, etc.

8o Être attentif au progrès de son voisin ou de l’étranger — faire en petit les essais que suggèrent les hommes versés dans l’agriculture.

9o Joindre à l’amour du travail une constante économie — mépriser le luxe des villes — se nourrir et se vêtir à même le sol, adopter et porter avec orgueil des étoffes nationales — amasser pères et fils les moyens d’ouvrir des terres nouvelles — s’associer en petites colonies pour s’y fixer, prendre garde qu’elles soient fertiles, que le climat soit avantageux, etc.

L’espace nous manque pour développer des sujets d’une si vitale importance. Espérons que bientôt dans chaque école de campagne, au foyer de chaque famille, le catéchisme de l’habitant, après celui de la religion, sera la première et la plus chère étude des enfans du peuple canadien. »