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CHARLES GUÉRIN.

ces fameuses traductions de poëmes qui n’ont jamais existé, et dont on a fait tant de bruit en Europe il y a quelques années.

M. Huston a recueilli, sous le titre de « Répertoire National» des fragmens épars dans les journaux et dont plusieurs, abstraction faite de leur mérite intrinsèque, sont d’assez curieux échantillons de ce qu’ont pu écrire des hommes qui se sont rendus remarquables sous d’autres rapports. Ce recueil forme quatre volumes fort intéressans.

Nous avons de M. Garneau une histoire du Canada en trois volumes qu’il a amenée dans sa deuxième édition jusqu’à l’union des deux provinces en 1840. Cet ouvrage, sous le rapport du style et de la portée des vues de l’écrivain, peut soutenir la comparaison avec les meilleurs livres transatlantiques.

Les Instituts Canadiens de Québec et de Montréal ont donné au public, sous la forme de Lectures, une foule de dissertations intéressantes et utiles, et parmi ces œuvres que la presse périodique a enrégistrées dans ses colonnes, on a remarqué les discours prononcés par M. Étienne Parent, lesquels réunis forment un volume rempli d’intérêt. Notre premier journaliste, l’homme qui, ressuscitant en 1881 le Canadien qu’avaient créé en 1809 un Bedard et un Taschereau, a adopté cette glorieuse devise : nos institutions, notre langue et nos lois, a conservé dans ses Lectures le vif sentiment national qu’il entretenait alors. Cette foi courageuse dans un avenir que tant de gens traitent de chimérique, rend surtout remarquables des écrits qui le sont déjà par la profondeur des vues et l’élégance du style.

M. Lenoir, qui a montré jusqu’à présent une véritable vocation poétique, annonce dans le moment même où nous écrivons : Les Voix Occidentales. Ce sera le premier volume de poésies sorti de la presse canadienne depuis les Épitres et Satyres de M. Bibaud lesquelles n’ont obtenu qu’un médiocre succès. M. Bibaud a été aussi éclipsé comme historien par M. Garneau, et l’on n’a pas même rendu justice aux labeurs qu’il a dû s’imposer, à une époque où il était si difficile de réunir les matériaux nécessaires et de mettre au jour une œuvre quelconque. Son fils M. Maximilien Bibaud a été plus heureux dans son histoire des chefs sauvages de l’Amérique, qu’il a intitulée Biographie des Sagamos, et dont il a fait un livre très intéressant.

Enfin l’auteur des pages qu’on vient de lire a cru devoir contribuer pour sa part au mouvement littéraire, et il a essayé de peindre sur le tissu d’une simple histoire les mœurs de son pays. Il a aussi écrit son ouvrage avec la double préoccupation que doivent causer à tous ceux qui réfléchissent à l’avenir du pays, l’encombrement des carrières professionnelles où se jette notre jeunesse instruite, et le partage indéfini des terres dans les familles de nos cultivateurs. S’il peut contribuer à attirer l’attention de tous les véritables patriotes sur l’œuvre de la colonisation, il croira, sous une forme légère, avoir fait quelque chose de sérieux.

Heureusement du reste, que cette œuvre n'est plus à l’état de roman, comme elle l’était, lorsque nous concevions le plan de cet ouvrage. Plusieurs dignes missionnaires canadiens parmi lesquels se sont distingués M. M. Boucher, Hébert, Bedard et Mailloux lui ont donné une impulsion pratique et réelle. Les townships de l’Est et la vallée du lac St. Jean et du Saguenay se peuplent rapidement par nos compatriotes. [1]

C’est par ce moyen et par le perfectionnement de notre agriculture que notre existence nationale sera bientôt mise à l’abri de tout danger.

Dans son excellent abrégé de géographie moderne, M. Holmes, dont nous parlions un peu plus haut,[2] a inséré le passage suivant que nous reproduisons pour le plus grand bien des Charles Guérin et des Jean Guilbault à venir.

  1. Il serait injuste de ne pas mentionner la part qu’a prise à cette belle œuvre par ses discours et ses démarches, M. Bernard O'Beilly, jeune prêtre irlandais d’un grand talent et d’une grande activité, qui est maintenant jésuite aux États-Unis, et qui le premier a prêché la croisade de la colonisation, en même temps que M. Chiniquy prêchait celle de la tempérance.
  2. Outre cet ouvrage qu’il a su rendre charmant malgré l’aridité du sujet, et qui est le plus complet et le plus correct qui ait été publié dans ce genre, M. Holmes nous a encore laissé ses Conférences de Notre-Dame. Si estimables qu’elles soient, elles perdent cependant à la lecture beaucoup du charme que leur donnait la parole de ce prédicateur éloquent, qui était en même temps un savant distingué et un homme du caractère le plus doux et le plus aimable.