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CHARLES GUÉRIN.

Nous attestons donc que ces dites paroles que nous avons en mémoire depuis si longues années ont toujours passé pour une œuvre de notre Révérende Mère supérieure, Madame de Brinon, c’est à dire datent du temps du Roy Louis XIV, décédé en 1715.

En foi de quoi, nous avons donné le présent attestat sous licence et permission de notre supérieur ecclésiastique, et nous y avons fait appliquer le cachet de nos armes à Versailles, ce 19 Septembre 1819, et avons signé.

ANNE THIBAULT DE LA NORAYE,

P. DE MONSTIER,

JULIENNE DE PELAGREY.

Nous soussigné Maire de Versailles certifions que les trois signatures ci dessus sont celles de Madame Thibault de la Noraye, de Madame de Monstier, et de Madame de Pelagrey anciennes religieuses et dignitaires du couvent royal de Saint-Cyr, et que foi doit y être ajoutée. Versailles, le 22 septembre 1819.

Le Marquis de Lalonde (et scellé)


C. — Page 194.


À cette époque, c’est-à-dire dans l’automne et l’hiver de 1882 l’opinion publique était très agitée par des discussions dans la presse et dans la législature sur la constitution du Conseil Législatif.

Si les jeunes amis de Charles Guérin paraissent un peu montés contre ce respectable corps, ils ne font que refléter l’exaltation de la jeunesse Canadienne d’alors. Le Conseil commit la faute énorme de faire emprisonner M. Tracey, gérant et rédacteur du Vindicator, et M. Duvernay, propriétaire de la Minerve. Des assemblées publiques furent immédiatement convoquées sur plusieurs points du pays et principalement à Montréal et à Québec.

Dans cette dernière ville on adopta des résolutions très énergiques et à la sortie de l’assemblée, des jeunes gens guidés par quelques citoyens anciens et influens furent saluer à la prison les deux journalistes-martyrs, parcoururent les rues le soir en chantant la Parisienne et la Marseillaise, et allèrent faire une espèce de charivari au juge en chef Sewell, orateur du Conseil Législatif.

Ce fut là le commencement d’une agitation politique qui ne cessa pas jusqu’aux insurrections de 1837 et de 1838, qui en furent les dernières conséquences. On fit aux deux journalistes à leur sortie de prison une ovation des plus populaires avec drapeaux, musique, procession et encore la Parisienne et la Marseillaise. On les escorta jusqu’à St Augustin. À Montréal, ils furent reçus et conduits en procession à leurs demeures, malgré tout ce que les autorités avaient pu faire pour empêcher cette manifestation. On leur offrit un banquet civique et on leur présenta à chacun une médaille d’or commémorative de tous ces évènemens.

Dans le printemps, M. Tracey fut invité à se porter candidat pour la cité de Montréal. L’oligarchie furieuse fit des efforts inouis. L’élection dura du 26 Avril au 22 Mai et ce jour-là M. Tracey fut déclaré élu par une majorité de 4 voix seulement. Mais la veille les rues de Montréal avaient été ensanglantées. Les troupes avaient été appelées pour supprimer une émeute, elles avaient tiré, et cinq personnes, toutes appartenant au parti libéral, les nommé» Languedoc, Billette, Chauvin, Cousineau et Creed, furent tués. À dater de ce jour funeste, les animosités nationales et politiques furent toujours croissant jusqu’aux désastreuses catastrophes de 1837 et de 1888.

M. Tracey est mort jeune et n’a pas vu se développer les évènemens qui étaient contenus en germe dans la lutte qu’il avait commencée contre le Conseil Législatif. Il a laissé la réputation d’un grand talent et d’un beau caractère.

M. Duvernay est mort cette année et ses funérailles à Montréal ont été une des plus grandes solemnités de ce genre qui aient eu lieu dans le pays. Tous les corps publics, et toutes les sociétés nationales y ont assisté en grande pompe, pour rendre témoignage à la mémoire d’un homme courageux qui a été un des premiers pionniers au journalisme français en Canada, qui a souffert l’emprisonnement en 1832, l’exil en 1837 et en 1838 — et qui par-dessus tout a créé la société St. Jean-Baptiste.

Comme les articles incriminés de la Minerve et du Vindicator en 1882 ont eu