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CHARLES GUÉRIN.

fleuve, voir fuir derrière soi la forêt d’érables et de sapins et poindre dans quelqu’anse lointaine au groupe de blanches maisons, et le clocher du village étinceler au soleil.

À la Claire Fontaine que nous avons crue longtemps composée par quelque voyageur plus lettré et plus sentimental que ses camarades, dont l’air a même passé pour une mélodie sauvage, est une chanson de la vieille France, et nous l’avons retrouvée avec quelques légères variantes dans une nouvelle de M. Monstrelet.

M. Marmier dans la préface de ses chants du Nord, cite une chanson Franc-Comtoise, « Derrière chez mon père,» qu’il a retrouvée avec étonnement au Canada où elle passait aussi pour indigène.

Mais ce que beaucoup ignorent, c’est que nous avons double raison de réclamer le God Save the King, ou au moins de lui faire honneur, et comme sujets anglais et comme descendans de Français.

Cet hymne religieux et monarchique avait été composé par Lully pour le célèbre pensionnat de St. Cyr, et transporté ensuite en Angleterre. Rien qu’en entendant cette grave et imposante musique, on doit croire sans peine quelle était faite pour la Cour du grand roi.

Le document suivant que nous extrayons d’un ouvrage récemment publié en France ne sera pas lu ici sans intérêt

Déclaration de trois dames de Saint-Cyr relativement à l'origine de la musique et des

paroles du God save the King.

Nous soussignées, anciennes religieuses professes de la maison royale de Saint Cyr, diocèse de Chartres, étant priées d’attester pour rendre hommage à la vérité et dans une intention qui n’a rien de profane ou frivole, ce que nous pouvons savoir touchant un ancien motet qui passe aujourd’hui pour un air anglais, et pensant que la charité ne saurait en être blessée, nous déclarons que cette musique est absolument la même que celle que nous avons entendue dans notre communauté, où elle s’était conservée de tradition, depuis le temps du Roy Louis le Grand, notre auguste fondateur, et que la dite musique avait été composée, nous a-t-on dit dès notre jeunesse, par le fameux Baptiste Lully, qui avait fait encore plusieurs autres motets à l’usage de notre maison, et entre autres un Ave maris Stella d’une si grande beauté que toutes les personnes qui l’entendaient chanter disaient qu’elles n’avaient rien ouï de comparable. Pour ce qui est du premier motet, nous avons entendu raconter à nos anciennes que toutes les Demoiselles pensionnaires le chantaient en chœur et à l’unisson toutes les fois et au moment où le Roy Louis le Grand entrait dans la chapelle de Saint-Cyr, et l’une de nous l’a encore entendu chanter à grand chœur lorsque le Roy Louis le Martyr, seizième du nom, vint visiter cette maison royale avec la Reine son épouse en l’année 1779 ; et ce fut sur l’avis de M. le Président d’Ormesson, directeur du temporel de Saint-Cyr, qu’il avait été décidé que Sa Majesté serait saluée par cette invocation suivant l’ancien usage, de sorte qu’il n’y a presque aucune de nous qui ne sache par cœur et ne connaisse l’air et les paroles de ce dit motet. Nous pouvons donc assurer que l’air est entièrement conforme à celui qu’on dit un air national d’Angleterre, et quant aux paroles que nous allons copier exactement, on nous a toujours dit qu’elles avaient été composées par Madame de Brinon ancienne supérieure de St Cyr, et personne lettrée fort habile en poësie comme il y parait par d’autres cantiques à l’usage de sa communauté. Celui sur la communion y’a été chanté jusqu’à la fin, et si l'autre n’était pas aussi connu que celui-ci, cela tenait sans doute à ce que le Roy Louis le Bien Aimé et le Roy Louis le Martyr n’avaient pas l’habitude de visiter souvent notre maison comme le Roy Louis le Grand, notre Fondateur, avait coutume de le faire.

Grand Dieu, sauvez le Roy !

Grand Dieu, sauvez le Roy !
Vengez le Roy !
Que toujours glorieux,
Louis victorieux,
Voye ses ennemis
Toujours soumis.
Grand Dieu, sauvez le Roy !
Grand Dieu, vengez le Roy !

Vive le Roy.