ont laissé le Bas-Canada, et se sont dirigés les premiers vers les états manufacturiers de l’Union, les autres vers les fertiles contrées de l’Ouest. Un comité nommé par l’assemblée législative en 1849 estimait cette émigration à 20,000 pour les cinq années qui venaient de s’écouler, et exprimait la crainte que ce chiffre n’augmentât de moitié dans les cinq années qui devaient suivre, fesant 50,000 ou un seizième de la population dans dix ans. La supposition du comité est malheureusement en pleine voie de réalisation.
Malgré cela, malgré les guerres, les insurrections, les épidémies qui ont si fréquemment décimé notre population française, elle s’élevait en 1881 au chiffre de 450,000 âmes, en 1844 à 524,807, et cette année (1852) elle est de 695,945[1]. On peut dire en toute sûreté 700,000.
La population de toute autre origine, dans le Bas-Canada, compte seulement 220,000 âmes. Cela s’explique par le fait que toute l’immigration Britannique s’est établie dans le Haut-Canada, et l’Angleterre en divisant les deux provinces avait prévu et sanctionné cet arrangement. C’est dans l’année 1820 que cette immigration est devenue assez importante pour être régularisée et recensée. Depuis cette époque elle a jeté sur nos quais de Québec et de Montréal 785,806 individus, nombre qui surpasse celui de la population du Haut-Canada en 1848, et comme on sait qu’en retour de la grande proportion de ces immigrés qui ne font que passer par le Canada pour se rendre aux États-Unis, il s’est fait aussi une immigration très considérable de la république voisine dans les établissemens limitrophes du Bas-Canada et dans le Haut-Canada, on trouvera que l’accroissement naturel de la population d’origine britannique a été incomparablement moindre que celui des canadiens d’origine française. Les flux et les reflux continuels d’émigration que nous venons de mentionner rendent à-peu-près impossible de constater la véritable multiplication des populations non-françaises du Canada par le seul effet des naissances.
Mais pour ce qui est des Franco-Canadiens, ils offrent un fait rare dans l’étude de la statistique, celui d’un peuple qui, grâce à son isolement au sein d’un autre peuple, peut constater son accroissement naturel, n’ayant reçu aucune immigration de sa propre race, et ne s’étant mélé que bien peu aux émigrés d’autre race.
Cet accroissement a donc été de 1759 à 1852 de 60,000 à 700,000. Dans une période de 90 ans, le chiffre premier a doublé trois fois et un peu moins d’une demi-fois. À 20,000 âmes près, c'est avoir doublé tous les 26 ans.
Le Dr. Franklin avait prétendu que dans certains États de l’union américaine la population doublait tous les vingt ans. Malthus allait jusqu’à dire que la population pouvait dans de certaines conditions doubler tous les quinze ans, et il en tirait des conclusions cruelles que plusieurs savans économistes et statisticiens ont réfutées avec succès. Parmi eux se trouvent M. Saddler, membre du parlement anglais, et M. Allison, le célèbre auteur de l’histoire de l’Europe. Tous deux ont prouvé par des tables, aussi ingénieusement que clairement calculées, que l’accroissement naturel de la population affirmé par Malthus est simplement imposable, et que la période de vingt-cinq ans assignée par cet auteur comme étant celle de la progression la plus lente, est au contraire précisément celle de l’accroissement le plus rapide qu’on puisse supposer mathématiquement. M. Allison dit que l’accroissement de 52 pour cent dans trente ans, qui a été constaté pour la Grande-Bretagne, est l’accroissement le plus rapide qui ait été jamais constaté d’une manière authentique. Il prouve que l’accroissement prodigieux des États-Unis, en déduisant l’immigration européenne et l’importation des esclaves noirs, ne s’élève réellement pas beaucoup au delà.[2]
Notre accroissement bien constaté de 200 pour cent par 26 ans, à peu de choses près, peut donc à bon droit être qualifié de prodigieux.
Mais examinons la progression suivie par les descendant des 80,000 français. La