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CHARLES GUÉRIN.

caution, il avait joint à cette lettre l’envoi de tous les livres, cahiers, notes, et autres petits objets que Charles avait laissés dans son pupitre.

Celui-ci qui connaissait le faible du maître, comprit toute la portée de ce congé illimité. Il se tint pour dit qu’il devait demeurer en quarantaine, et se donner bien de garde de présenter aux yeux terrifiés de M. Dumont sa personne suspecte, avant d’avoir été admis par lui en libre pratique.

La prise de voile de Clorinde, à laquelle il avait assisté sans le savoir, avait créé chez lui des impressions bien diverses.

D’un côté son amour-propre triomphait de plusieurs manières par ce dénouement. Il était évident que Mlle. Wagnaër l’aimait d’un amour bien sincère ; elle n’avait été pour rien dans la honteuse mystification tramée par son père et par Henri Voisin. Ceux-ci se trouvaient punis et Charles était vengé jusqu’à un certain point. Si Clorinde ne pouvait lui appartenir, du moins elle n’appartenait pas à un autre.

En même temps la certitude d’avoir été aimé d’elle lui était une source d’amers regrets, que l’on comprendra sans peine. La confidente naturelle et pour bien dire inévitable de tous ses sentimens était la bonne Louise, qui depuis quelque temps avait bien ses raisons de s’intéresser à de semblables confidences.

Une fois en train de tout lui dire, il ne put s’empêcher de lui raconter l’histoire de son premier amour avec Marichette, qu’il avait jusqu’alors complètement supprimée.

Louise s’éprit d’une sympathie toute féminine pour cette pauvre enfant qui avait dû tant souffrir. Elle se fit raconter jusqu’aux moindres détails cet épisode de la vie de son frère, et celui-ci, en la racontant, trouva plus de charme qu’il n’en soupçonnait au souvenir de la spirituelle et naïve jeune fille. Il ressentit toute la vérité des reproches que Louise lui adressa sur sa conduite, et en songeant qu'il avait été la cause du malheur de