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CHARLES GUÉRIN.

— Si c’était de Pierre ?

— Oh ! si c’était de lui, tu me l’aurais dit tout de suite !

— Eh, bien ! oui, cette lettre est de lui.

— Oh ! mon Dieu ! et est-il bien loin ? Dit-il qu’il va revenir ? donne donc que je lise !

La jeune fille s’était levée éperdue, et, tremblante de tout son corps, elle tendait la main.

Et s’il n’était pas bien loin ?

— Tu n’as donc pas de lettre ?

— Il y a mieux que cela. Mais tâche de te calmer, petite sœur, ou je ne te dirai point ce que je sais.

— Eh, bien ! je serai raisonnable.

— Pierre est arrivé.

— Louise regarda son frère d’un air qui voulait dire : cela n’est pas possible, pourquoi prendre ainsi plaisir à me tourmenter ?

— Tu ne veux pas me croire ? Tu le croiras mieux lui-même. Seulement tu auras de la peine à le reconnaître, car il est vêtu d’une manière qui te surprendra.

Au même instant, Louise entendit ouvrir la porte de la maison, et se précipita dans l’escalier. Elle faillit remonter à sa mansarde, lorsqu’elle apperçut un prêtre, qu’elle eut en effet beaucoup de peine à reconnaître pour son frère. Dire le trouble, l’émotion, la joie mêlée de tristesse, qui ébranlèrent dans ce moment la frêle organisation de Louise, serait au-dessus de mes forces.

La douleur que la mort a laissée dans une famille se ravive toujours, dès qu’un parent, un ami ou même une simple connaissance franchit, pour la première fois, le seuil désolé de la maison, et vient s’asseoir au foyer qu’afflige une place vide.

De retour au Presbytère, le matin qui avait suivi son arrivée, Pierre était tombé d’une fièvre violente qui avait donné des craintes sérieuses pour sa raison. C’était la première fois