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CHARLES GUÉRIN.

— Pierre se leva. Louise doit se mourir de peine et de tristesse, observa-t-il. Je n’ose pas la voir aujourd’hui. Il faudra la préparer à cette émotion. Il est temps que tu retournes auprès d’elle. Je vais passer la nuit ici à veiller et à prier. C’est mon état.

Pierre resté seul laissa couler ses larmes.

La crainte d’affliger son frère d’avantage, une certaine honte de la faiblesse qu’il avait montrée, une idée exagérée de la réserve qu’exigeait sa dignité de prêtre lui avaient aidé à les retenir jusques-là.

Heureusement la religion lui enseignait qu’il ne devait point se borner à une tristesse stérile : elle lui offrait dans la prière une consolation pour lui-même et un moyen d’être utile à celle qu’il pleurait. —

Il prit son bréviaire et, assis dans un coin de la chapelle, il entreprit de lire l’office des morts. Ses yeux se portaient alternativement de son livre au cercueil étendu à ses pieds. Plus d’une fois, il se leva précipitamment, croyant avoir remarqué quelque mouvement, entendu quelque bruit ; mais ce n’était chaque fois qu’un jeu des rayons de la lune, ou le bruit léger de quelque insecte.

Le sens, tantôt lugubre et terrifiant, tantôt doux et consolant des psaumes qu’il lisait, s’adaptait quelquefois admirablement à sa propre situation ; souvent à côté du sens véritable se glissait une interprétation differente qu’un hasard merveilleux semblait lui adresser.

Heu mihi quia incolatus meus prolongatus est ! Malheur à moi, parce que mon exil s’est prolongé, disait le psalmiste parlant de la vie humaine comparée à un exil — et cela lui rappelait sa trop longue absence et les malheurs dont elle avait été suivie.

La colère de Dieu qui dévore les générations entières, comme un feu ardent brûle la paille légère ; sicut fœnum ; les flèches