Page:Chauveau - Charles Guérin, roman de mœurs canadiennes, 1853.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
272
CHARLES GUÉRIN.

Québec ont cet avantage qu’elles laissent voir à leur extrémité, encadré comme dans le champ d’une lunette, quelque fragment du beau paysage environnant.

Prendre possession d’une demeure que ses habitans viennent de laisser, comporte toujours avec soi une indéfinissable tristesse. Le désordre qui règne dans tous les appartemens, la nudité et le vide causent un vague effroi. Si l’on ne connaît point ceux qui nous ont précédés, on cherche à découvrir dans ce qu’ils ont laissé derrière eux quelque trace de leur existence. Si l’on est malheureux, on se demande quelle série d’infortunes a devancé celle que la providence nous réserve ; on juge par les habitudes que devaient avoir les anciens occupans, du genre de vie que l’on devra mener soi-même.

Le rez-de chaussée contenait trois chambres seulement, l’une servait de cuisine, les deux autres pouvaient servir à tout ce que l’on voulait. On montait à l’étage supérieur qui n’était autre chose qu’une mansarde, par un escalier grossier et mal assuré. La mansarde contenait quatre petites chambrettes, assez propres et riantes. Dans l’une d’elles, Charles trouva tout son petit ameublement que son ami avait fait déménager, et qu’il avait eu le soin de disposer absolument dans le même ordre, de manière qu’il pût se croire de retour dans la mansarde qu’il avait si longtemps habitée.

Dans la chambre voisine, Louise trouva deux pots de fleurs sur l’appui de la lucarne, et une cage vide suspendue à une poutre. Evidemment cette petite chambre avait été la demeure d’une autre jeune fille. Etait-elle morte et l’oiseau oublié dans la cage s’était-il envolé pour la suivre ? Ou bien passée à une condition meilleure dans le monde, avait-elle dédaigné d’emporter avec elle cette vieille cage et ces deux vieux pots de fleurs ? Louise se posa ce problème et se hâta d’adopter cette chambre pour la sienne.

Derrière la maison, il y avait un petit jardin mal clos et