Page:Chauveau - Charles Guérin, roman de mœurs canadiennes, 1853.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
CHARLES GUÉRIN.

II.

MONSIEUR WAGNAËR.



Le lendemain, il n’était pas six heures qu’un bon petit cheval canadien, à la crinière rousse, attelé à une petite charrette d’habitant, attendait paisiblement à la porte de madame Guérin… Une valise et un gros sac brun renflé comme un ballon, quoique ce ne fût certainement pas avec de l’air, étaient déposés dans le fond de la voiture ; deux manteaux épais recouvraient le siège. Le ciel était sombre et lourd, il fesait froid, les vagues battaient avec force contre les galets du rivage ; il ne pleuvait pas encore, mais c’était évidemment là le début de ce que l’on appelle une neuvaine de mauvais temps.

— Mon Dieu ! dit Louise, en ouvrant la porte, mon Dieu, quelle vilaine apparence ! Au moins vous n’oublierez pas de jeter vos manteaux sur vous. Ceci s’adressait aux deux écoliers qui sortaient en même temps qu’elle. Ils avaient mis chacun par-dessus leur capot d’écolier un capot d’habitant d’étoffe grise du pays, et à capuchon ; mais la prudence maternelle n’était pas encore rassurée, puisque madame Guérin, qui les suivait, crut devoir aussi elle, insister sur l’importance des manteaux ; et puis, ajouta-t-elle, n’oubliez pas d’entrer chez tous les curés que vous connaissez le long de la route pour vous réchauffer et vous reposer. Lorsque vous aurez faim, vous vous souviendrez que j’ai mis deux grosses galettes et du fromage dans le sac. J’ai bien peur, malgré toutes les précautions, que la pluie ne vous pénètre, car ce ne sera pas rien que le temps qui se prépare !… promettez-moi bien de ne pas continuer la route si vous êtes trempés.

— N’oubliez pas non plus, ajouta Louise, de bien faire sécher