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CHARLES GUÉRIN.

et que deux belles nappes d’eau s’étendent dans deux directions divergentes, on pourrait se croire à l’entrée d’une vaste mer intérieure, obstruée par une île.

La côte de Lauzon qui s’élève presque perpendiculairement en face de Québec, et contient les germes d’une autre ville qui parait surgir par enchantement du milieu d’une forêt, l’Isle d’Orléans et la côte de Beaupré, recouvertes l’une et l’autre d’une végétation luxuriante et parsemées de blanches maisons, forment les autres côtés du vaste bassin.

Comme si la douce lumière de la lune n’avait pas suffi pour éclairer ce tableau grandiose, les lueurs de l’aurore boréale essayaient de lutter avec l’astre des nuits. Un segment de cercle noir couronnait les montagnes du nord et fesait ressortir un arc d’une blancheur éblouissante, de tous les points desquels s’élançaient comme des fusées parées de toutes les couleurs du prisme, d’innombrables jets de lumière. Eclipsés par la lune et par l’aurore boréale, les étoiles scintillaient à peine dans tout le reste du firmament ; mais en revanche dans l’espace obscur qui se trouvait à l’horison, elles brillaient d’un éclat inaccoutumé. Cette illumination céleste, jointe aux pâles lumières que l’on voyait dans la ville, dans les habitations de la campagne et à bord des vaisseaux, formait un mélange de lueurs douteuses et indéfinies qui donnait à la scène quelque chose de féérique.

Il n’en fallait pas tant pour exciter l’enthousiasme de Charles et de sa sœur, et comme la goëlette mouilla à l’entrée de la petite rivière, ils purent contempler longtemps la ville qui allait devenir leur résidence. Ce ne fut qu’au jour, et même assez tard dans la matinée, que le petit vaisseau put s’approcher et prendre sa place parmi les nombreuses embarcations de tout genre, qui se pressaient sur la grève, à laquelle l’ancienne résidence des intendans français a laissé le nom de Palais.

Un spectacle un peu moins enchanteur que celui de la nuit