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CHARLES GUÉRIN.

disait les dernières prières de la messe et c’était une messe de mariage.

Les oraisons de la messe nuptiale, les cierges allumés sur les ballustres, les blancs vêtemens de la mariée et de sa compagne, l’air pimpant et satisfait des gens de la noce, la gaieté qui semblait régner dans tout le temple, contrastaient vivement avec les sentimens de Madame Guérin et de ses enfans agenouillés dans une des plus humbles places de l’église. Quoique la mariée ne fût pas aussi élégante que Mlle. Wagnaër, tant s’en fallait, Charles ne put s’empêcher de songer à cette dernière. Il lui parut aussi que les dorures et les ornemens sans nombre du chœur et de l’autel qu’il avait contemplés bien des fois en répondant aux prières de la messe, ou en remplissant divers rôles dans les cérémonies religieuses lorsqu’il était encore enfant, brillaient ce jour-là d’un éclat inaccoutumé. La chaire et le banc de l’œuvre, représentans du spirituel et du temporel de l’église, placés en face l’un de l’autre comme pour signifier l’antagonisme qui existe quelque fois entre ces deux pouvoirs, ruisselaient de dorures et s’étalaient pompeusement à l’envie l’un de l’autre. Les vieux tableaux suspendus aux murailles, et sur lesquels il était d’ordinaire difficile de découvrir une tête ou un bras d’un saint ou d’une sainte quelconque, semblaient ne plus vouloir demeurer incompris dans leurs cadres antiques. En disant adieu du cœur et de l’âme à ces objets vénérés, chargés des pieux souvenirs de son enfance, Charles éprouva une émotion profonde. Tous trois sortirent un peu, avant les gens de la noce pour ne pas être remarqués, ils se rendirent furtivement, et comme si leur départ eût été une fuite honteuse, à la goëlette échouée sur le rivage. Le petit vaisseau penché sur le côté attendait patiemment la marée montante pour se relever et partir.

On profita du moment où l’on pouvait encore s’embarquer presque à pied sec, et l’on fut à bord longtemps avant que