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CHARLES GUÉRIN.

de l’oncle Charlot, à qui on enlevait son existence en lui otant les instrumens de son travail et en brisant tout-à-coup ses habitudes. Ce fut, les larmes aux yeux, que le frère de M. Guérin mit en ordre ces débris d’une fortune qu’il avait vue si florissante. Il maniait et palpait avec amour, comme pour leur dire adieu, la charrue, le râteau, la bêche, le fléau, et par-dessus tout la bonne vieille cognée qui avait tant abattu d’arbres dans la forêt.

Ce brave cultivateur pensa avec raison qu'il ne devait pas abandonner dans son malheur une famille dont il avait partagé l’aisance, et il s’offrit à l’accompagner à Québec, bien certain que, par son travail et son industrie, il apporterait chaque soir plus d’argent à la maison qu’il n’y causerait de dépense.

Peu de jours après la visite de l’adjudicataire, Charles reçut une lettre de M. Wagnaër. Celui-ci commençait par lui dire qu’au moyen d’arrangemens qu’il venait de prendre, il était certain de lui remettre dans un mois le montant du billet qu’il avait endossé avec l’intérêt et les frais, et le sommait en même temps de cesser certains discours injurieux, qu’on lui avait rapportés. Il lui rappelait que c’était librement qu’il avait encouru cette dette, qu’il devait savoir ce qu’il fesait, et qu’à la rigueur, lui, dernier endosseur, n’aurait pas été tenu de rien lui rembourser. C’était aussi de plein gré qu’il avait consenti à la vente de ses immeubles sans discussion préalable de ses meubles. Il était donc difficile de s’expliquer sa conduite, surtout lorsqu’il ne perdait rien ; il devait se féliciter de la vente de ses propriétés qui avaient obtenu un prix plus considérable qu’on n’eût dû l’espérer.

M. Wagnaër terminait par une péroraison ab irato sur l’ingratitude que montrait un jeune homme traité par lui en ami, et, pour conclusion, il lui interdisait à jamais l’entrée de sa maison.

Il n’y avait pas dans cette missive un mot de Clorinde, ni