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CHARLES GUÉRIN.

s’asseoir sur un banc sur l’arrière du vaisseau, et contemplant le spectacle imposant que nous avions sous les yeux, elle me prit sur ses genoux et fondit en larmes. Je pleurais avec elle sans trop savoir pourquoi. Elle prit une petite croix de corail qu’elle avait sur sa poitrine attachée avec un ruban bleu, et elle me passa le ruban au cou et me donna la petite croix comme pour me consoler, ce qui ne manqua pas de réussir.

Dans la nuit mon père vint me réveiller et me porta dans ses bras auprès du lit de ma mère. Je vis là le jeune ecclésiastique qui était à genoux et priait, et le vieux français qui était debout et paraissait bien affligé.

On me mit à genoux sur une chaise tout près de ma mère, qui fit un effort pour s’asseoir et m’embrassa : — Ma petite fille, dit-elle, je vais mourir. Je n’ai plus que quelques heures à vivre. Écoute bien ce que je vais te dire pour t’en souvenir toute ta vie. Tu vois ici un prêtre catholique et tu sauras que je vais mourir catholique : je désire que tu vives et meures dans cette religion, qui est la meilleure…

La seule véritable, interrompit le prêtre.

— La seule véritable, reprit ma mère avec docilité. Me promets-tu que tu le feras ?

Je regardai mon pèxe, qui me dit : j’ai promis à ta mère de te faire élever dans la religion catholique.

Je promets de vivre et de mourir catholique, dis-je, en tremblant de toutes mes forces, les mains jointes et les yeux fixés sur ceux de ma mère, qui rayonnaient d’un éclat inaccoutumé.

— Il faut que tu sois bonne, obéissante, sage, et que tu ne donnes aucun chagrin à ton père, au contraire que tu lui aides de toutes tes petites forces et que tu me remplaces dans les soins du ménage, quand tu seras assez grande pour cela. Me promets-tu cela ?

— Je serai bonne, sage et obéissante, dis-je, d’une voix forte.