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CHARLES GUÉRIN.

rés sur le milieu de la tête, retombaient en boucles presque sur ses épaules, ses traits comme sa toilette avaient quelque chose d’efféminé, un menton à fossette et des joues rosées, un cou blanc comme celui d’une jeune fille, détruisaient jusqu’à un certain point l’idée que devaient donner de son caractère, son front large et intelligent, et son nez légèrement aquilin. Louise était le vrai portrait de Charles, excepté que son teint était encore plus blanc, ses joues plus vivement colorées et ses cheveux tout-à-fait blonds. La teinte de tristesse empreinte par fois sur la figure de son frère, n’existait jamais sur la sienne ; un sourire doux et franc ne quittait jamais ses lèvres, ses yeux pétillaient sans cesse de gaieté ; enfin ce n’était pas et ce ne pouvait pas être une demoiselle à la mode, car elle était aimable et jolie dans toute l’acception vulgaire de ces deux mots. N’allons pas omettre la couleur de ses yeux (c’est l’essentiel dans le portrait d’une jeune fille) et disons à regret qu’ils étaient d’un bleu peu foncé, ce qui achèvera probablement de la dépoëtiser ; mais nous déclarons que nous n’y pouvons rien. Sa toilette n’avait rien non plus de romanesque ; ce n’était ni le négligé de l’élégante, qui condescend à se faire campagnarde, ni le costume pittoresque de la vraie paysanne : elle avait tout simplement une robe d’indienne noire à petites fleurs bleues ; un tablier tout noir et d’une étoffe peu recherchée emprisonnait sa taille délicate ; le petit mouchoir de rigueur couvrait ses épaules ; elle était donc, pour comble de malheur, parfaitement décente. Petite et frèle, on lui aurait plutôt donné douze ans que quinze.

Un étranger n’aurait pas pris volontiers Pierre Guérin pour le frère de Charles et de Louise. C’était un grand jeune homme, élancé et robuste ; ses traits fortement accusés, son teint brun, ses yeux noirs et perçans, annonçaient beaucoup de fermeté et de résolution ; sa bouche avait une expression quelque peu dédaigneuse, sa lèvre s’ombrageait d’une moustache nais-