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CHARLES GUÉRIN.

VI.

UN HOMME DE PAILLE ET UN HOMME DE FER.



MADAME Guérin ignorait complètement ce qui venait de se passer. Elle vivait, comme nous l’avons dit, très isolée, elle ne sortait que pour aller à l’église et surtout depuis le départ de son fils aîné, elle n’avait que peu de rapports avec les habitans, ses voisins. Louise ne voyait que Clorinde et celle-ci ne connaissait rien des affaires de son père. Le peu de personnes qu’elles avaient vues l’une et l’autre, et qui avaient eu connaissance de l’annonce de la vente, s’étaient abstenus de leur en parler, par un motif de délicatesse que l’on comprendra facilement.

Ce jour-là, la bonne mère, au retour de la messe à laquelle elle ne manquait jamais d’assister, s’occupait avec Louise à ces petits travaux domestiques qui, malgré leur trivialité, ne sont pas sans charme, lorsqu’on les accomplit à deux et qu’un amour réciproque joint à la pieuse pensée des devoirs maternels d’une part, et de la piété filiale de l’autre, les embellit ou pour mieux dire les sanctifie.

Elles allaient et venaient, la mère et la fille, à travers le ménage, rangeant d’un côté, dérangeant peut-être de l’autre, heureuses au chant des oiseaux, au murmure du feuillage naissant qu’agitait la brise du matin, et respirant par toutes les ouver-