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CHARLES GUÉRIN.

— Queu noblesse de Toupin ! huissiers de père en fils !

— I’ va mettre son habit à poches.

— Avec quoi qu’i’ se carre, qu’ c’est pas rien !

— Va-t-on rire, mais qu’i’ lise ses pataraphes.[1]

— V’là un mois qu’ son père l’éxerce.

— Tous les soirs il i’ fait répéter sa leçon.

— Quand il était à l’école, il disait toujours : quand je s’rai-z-huissier comme mon père !

— V’là-t-i’ pas le bonhomme Jean-Pierre qu’arrive. C’ pauvre vieux qu’a de la peine à marcher.

— l' marcherait encore plus doucement, s’i’ portait ses sacs d’écus su’ son dos.

— Allons, v’là que ça vient, v’là des Messieurs pour tout d’bon qu’arrivent

— Ecoutez donc les gros bonnets-là, est-ce que vous allez pas vous r’muer ? est-ce que ça va pas commencer ?

Les habitans respectables auxquels s’adressaient ces derniers mots étaient trop occupés à converser entr’eux, pour qu’ils fissent la moindre attention à cette question.

— Vrai, disait l’un d’eux, vieillard à la barbe blanche et qui appuyait son menton sur sa main et son coude sur son genoux, car il était assis au pied du mur ; vrai, mon pauvre François, je ne voudrais pas mettre un sou sur cette enchère. C’est trop juste que ces pauvres enfans rachètent à bon marché le bien de leur défunt père. C’est trop raisonnable ce que M. Wagnaër nous a fait demander de ne pas mettre sur cette terre. Je compte bien aussi qu’il n’y aura pas un honnête homme dans la paroisse qui voudra aller à la rencontre de c’t’ affaire-là, parce que c’est trop juste.

— Poux moi, j’espère qu’il y aura toujours bien de quoi couvrir mon obligation et puis ce sont d’honnêtes gens ; il n’y a rien à craindre avec eux.

  1. Mais que pour lorsque.