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CHARLES GUÉRIN.

Juifs du pays, aux quatre membres, qu’il ne trouverait pas un denier à nous prêter.

— Oh ! mais, M. Wagnaër, ce n’est pas vous qui devez vous plaindre…

— Hum ! Jeune homme, vous en parlez bien à votre aise. Ça n’est pas moi qui dois me plaindre. Non, sans doute, j’ai de magnifiques propriétés, un grand commerce, de grandes affaires, mais aussi de grands embarras. Plus on a de fer au feu, plus ça chauffe.

— Oui, mais ce fer-là se change en or.

— Quelquefois ; souvent vous ne retirez de la fournaise que des charbons qui vous brûlent les doigts. Mais enfin les affaires sont des affaires, et quand on y est pris, ma foi, on s’en retire comme on peut. Je viens de payer là deux cent louis que je devais pour cet imbécile de Jean Bernard. J’ai déjà perdu les sept cent cinquante louis que je lui avais prêtés en bon argent : au moins, je ne pense pas que je retire la moitié de cela de son fonds de commerce qu’il m’a transporté ; car pour lui il n’est bon qu’à faire de mauvaises affaires. Ça me paraît inexplicable que, dans si peu de temps, dans moins d’un an, il ait pu gaspiller tant d’argent. Il faut que ce soit un fier vaurien. Mais enfin il n’est plus temps de prévoir un malheur quand il est arrivé, ni de fermer l’écurie quand le cheval est dehors. M. Voisin, votre ami, vient d’acquitter le jugement que la Banque avait obtenu contre lui. Voilà encore cent cinquante louis qu’il faudra que je rembourse ; avec les cent cinquante louis de l’autre billet que vous avez endossé.. Je ne voudrais pas vous laisser perdre un sou ni à M. Voisin non plus. Ce qui fait en tout — sept — cent cinquante — deux cent cinquante — et cent cinquante encore — douze cent cinquante louis en tout ! Rien que cela.

— Mais, c’est épouvantable !

— Épouvantable, non ; mais c’est très désagréable. J’ai