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CHARLES GUÉRIN.

— Pour moi, dit l’une des jeunes filles, je trouve en effet qu’Émilie n’est pas supportable. Elle s’imagine que nous la méprisons, et elle nous fait à peine l’honneur de nous saluer.

— Oh ! il faut lui pardonner, elle est si bonne, reprit Clorinde.

— C’est ce que je dis à ma sœur. Et puis les personnes qui n’ont qu’un pied dans la bonne société, comme elle, sont toujours si susceptibles.

— Je lui ai fait hier une petite méchanceté. Je lui ai demandé quelle robe elle comptait mettre demain pour le bal de Madame Norton.

— C’était bien mal, cette pauvre enfant, lui faire avouer qu’elle n’était point invitée.

— Tu es trop bonne. Tu n’as donc point remarqué qu’Émilie s’étudie à nous faire la leçon ?

— Oui, elle a toujours quelque petit bout de sermon à nous répéter. Ça n’est pas agréable.

— Chez Madame de P… elle n’a pas dansé deux fois de la soirée. On peut moraliser à moins.

— C’est cela, la solitude conduit vite à la perfection chrétienne.

— Ah ! M. Guérin, vous n’étiez point chez Madame de P… ?

— Voilà une question bien indiscrète et qui fait rougir Clorinde.

—A quoi pensais-je donc ? Clorinde n’y était point non plus.

— Que Jane Wilby était laide ce soir-là !

— Et quelle toilette !

— Elle était pourtant bien heureuse. Le capitaine R… a valsé deux fois avec elle ; elle ne se possédait point d’orgueil.

— Sa sœur se marie.