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CHARLES GUÉRIN.

Charles n’était pas fait à de pareilles scènes ; aussi son imagination et ses nerfs en furent-ils fortement ébranlés. De retour au logis qu’il regagna difficilement par une grosse pluie d’automne mêlée de neige, il ne put fermer les yeux que tard dans la matinée. A peine dormait-il depuis quelques instans d’un sommeil agité, lorsqu’il fut éveillé par son ami Voisin, qui se tenait droit et pâle comme un fantôme au chevet de son lit.

— Voyons, cher ami, vous dormez bien tard pour un homme qui n’a pas rencontré ses billets.

— Qu’est-ce donc ? Qu’y a-t-il ?

— Moi qui suis plus matineux que vous, je viens déjà de voir l’avocat de la Banque de Québec, et…

— Que me chantez-vous là ? Encore cette histoire ? Vous êtes bien ridicule avec votre panique.

— Pas du tout. J’aime à voir le danger en face… et une fois que j’ai tout vu, je m’exécute de bonne grâce… quand je ne puis faire autrement

— Oui, comme feu M. La Palisse.

— Enfin pour moi, c’est fini.

— Comment, fini ?

— J’ai donné une confession de jugement.

— Vous avez bien fait ; ça vous sauvera des frais.

— M. X… qui n’a pas l’honneur de vous connaître m’a prié de vous demander si vous vouliez en faire autant.

— Sans doute. Dites-lui que j’irai le voir demain ou après demain.

— Il m’a remis une confession de jugement toute dressée par laquelle vous reconnaissez en même temps avoir reçu copie du writ et de la déclaration.

— À la bonne heure. Donnez, je vais signer. Trouvez seulement dans mon pupitre une plume et de l’encre… Bien… voilà une affaire faite.